Calligraphie de la Voix

Ediciones Alidades, France, 2013

Selección y traducción
de Jacques Ancet

Carne de tesoro
(1983-1989)

hijos

he dejado atrás un cultivo

verde sobre dorado no, ni
espigas ni surcos ni recortado
cuadro de ondas al viento no

de carne el cultivo de carne
luce otro color oh natura
un pálido ocre o rosa o nada
que tenga sentido escribir

de esta cosecha: esclavitud
y de ésta: el bruto amor salvaje
la blanda pasión sin fin de unas
criaturas

enfants

derrière j’ai laissé mes cultures

non pas du vert sur de l’or, ni
des épis ni des sillons ni un tableau
découpé d’ondes au vent non

de chair ces cultures de chair
montrent une autre couleur oh nature
un ocre pâle ou rose ou rien
qui n’ait du sens à être écrit

de cette récolte : esclavage
et de celui-là : l’amour bête et sauvage
la douce passion sans fin de quelques
créatures

retórica erótica
(1997-1999)

Cuando el don arde en el espejo
ella es ambas para él,
que la ha tomado en su ser de granada,
que la ha sabido tomar sólo viéndola
desgranar su vocación igual al
sueño. Ella es ambas para él, una
de cada lado de la vida. El las toma
sin saber cuál es el lado en que esa
danza tiene lugar, no tiene lugar.
Como no sabe, poco pregunta y así,
aún teniendo todo el ser, ella no estalla,
él hace que cierre esas bocas, alas,
el estar doble, el estar desplegada.
El la toma sin saber quién es.
Como ya no sabe, decide no saber
para tomarla más. Ella no sabe de él más
que eso, ignora, entonces, tanto como él.
Pero no es algo que ella haya decidido.
Es la ley del Don.

Quand le don brûle dans le miroir
elle est pour lui les deux :
il l’a prise en son être de grenade,
il a su la prendre en ne la voyant
qu’égrener sa vocation semblable au
rêve. Elle est pour lui les deux, une de
chaque côté de la vie. Il les prend
sans savoir quel est le côté où cette
danse a lieu, où elle n’a pas lieu.
Comme il ne sait pas, il demande peu et donc
même en possédant tout son être, elle n’éclate pas,
il lui fait fermer ces bouches, ces ailes,
son être double, son être déployé.
Il la prend sans savoir qui elle est.
Comme il ne sait plus, il veut ne pas savoir
pour la prendre toujours plus. C’est tout ce qu’elle sait
de lui, elle ignore, alors, autant que lui.
Mais ce n’est rien de ce qu’elle aura décidé.
Telle est la loi du Don.

TEATRO DE OPERACIONES
Anatomía y Literatura
(2005-2007)

CAMPO QUIRURGICO

5

Ha llovido durante días:
fina, filosa, pertinaz el agua
pudre, lava y abrillanta.
Ajena a toda intemperie
que no fuera la propia,
yo regaba las plantas
del lado cálido del vidrio.
Hoy al fin he salido a mirar
algo que no soy, el lago
alrededor del estrago
de los trabajos: tuve que salir
a distraer mi cuerpo del daño
visible: dolores al escribir,
árboles segados de raíz.
Días enteros de llover dejaron
charcos que hubieran sido
espejo de las altas copas
duplicándose,

pero lo continuo se ha quebrado,
y ahora sólo se ve allí cielo,
agua, esos veranos.

THÉÂTRE D’OPÉRATIONS
Anatomie et Littérature
(2005-2007)

CAMPAGNE CHIRURGICALE

5

Il a plu pendant des jours :
fine, affilée, tenace l’eau
décompose, lave et fait briller.
Étrangère à toute intempérie
qui ne soit mienne,
j’arrosais les plantes
du côté chaud de la vitre.
Aujourd’hui je suis sortie regarder
quelque chose que je ne suis pas,
le lac autour du ravage
des travaux : j’ai dû sortir
pour distraire mon corps de la désolation
visible : douleurs à écrire,
arbre coupés à la base.
Des jours entiers de pluie ont laissé
des flaques qui auraient pu être
miroir des hautes frondaisons
s’y reflétant,

mais la continuité s’est brisée,
et à présent on ne voit là que ciel,
et eau, tous ces étés.

6
El trabajo de allá, afuera,
ha hecho de mí ‘la espectadora’,
una testigo de esta forma de exterminio.
Las masas volátiles y compactas
que se levantan desde el suelo
trazan sombras sobre el pasto:
fugas de nubes bajas que oscurecen
el día como un entendimiento.
Y esa música de un serrar
que precede suave a las fogatas,
pone en correspondencia
mi cuerpo con la naturaleza:

vuelvo a mezclarme con el humo
y me atraviesa el perfume
de una lenta aniquilación.

6

Le travail de là-bas, dehors,
a fait de moi «la spectatrice»,
un témoin de cette forme d’extermination.
Les masses volatiles et compactes
qui se lèvent du sol
tracent des ombres sur l’herbe :
fuites de nuages bas qui obscurcissent
le jour comme un dévoilement.
Et cette musique de scie
qui douce précède les brasiers,
met en correspondance
mon corps et la nature:

je reviens me mêler à la fumée
et me traverse le parfum
d’une lente désintégration.

7
Me dicen que habrá frutales,
que la penetración del sol
hará una alfombra de la hierba.
Por cada muñón
dos árboles futuros:
mientras florecen yo iré
madurando y podré
no olvidar los ojos de agua
vacíos, las cenizas en círculo,

este humo: una catástrofe
sobre mi vida.

7
On me dit qu’il y aura des arbres fruitiers,
que la pénétration du soleil
fera un tapis de l’herbe.
Pour chaque moignon
deux arbres futurs :
pendant qu’ils fleurissent, peu à peu je
mûrirai et je pourrai ne pas oublier les yeux d’eau
vides, les cercles de cendre,

cette fumée : une catastrophe
sur ma vie.

18
El invierno allí como un estado
de los seres y las cosas macerándose
en la necesidad, el vaho en las bocas,
la voluntad de amanecer atravesando
lo muerto del frío en los jardines.
(Nunca ví florecer como en la infancia
las flores de papel, los pensamientos,
las calas, los naranjos y el ciruelo,
donde mamá armaba los ramos
mientras amasaba mi destierro).
El color en las fotos: esos pétalos
secados en la estufa, devorando
la astucia del tiempo en el fermento,
el respirar atento de la criatura que soy
cuando no estoy aquí, cuando no he vuelto.
Ahora todo lo vivo participa en lo que vuelve
y come de mí, ese reclamo del mundo es
la condena por el crimen de escritura,
vivido como una
equivocación de la naturaleza.

18
L’hiver là-bas comme un état
des êtres et des choses macérant
dans le besoin, la buée des bouches,
la volonté de jour levé traversant
la mort du froid dans les jardins.
(Jamais je n’ai vu fleurir comme dans l’enfance
les fleurs de papier, les pensées
les arums, les orangers et le prunier,
où maman préparait les bouquets
pendant que je pétrissais mon exil).
La couleur sur les photos : ces pétales
séchés dans le poêle, dévorant
l’astuce du temps dans le ferment,
le souffle attentif de la créature que je suis
quand je ne suis pas ici, quand je ne suis pas revenue.
Á présent tout ce qui est vivant participe à ce qui revient
et mange un peu de moi, cet appel du monde est
la condamnation pour le crime d’écriture
vécu comme une
bévue de la nature.